La Paléontologie indique clairement qu’avant l’apparition de l’espèce humaine sur la Terre, les palmiers peuplaient le continent européen. Les glaciations postérieures les ont fait disparaître et leur présence s’est réduite à certains lieux, protégés par la présence bénéfique de la mer comme régulatrice thermique et dans certains cas, comme Elche, par les sommets des systèmes montagneux qui agissaient comme écran protecteur face aux masses froides d’air polaire.
Les civilisations antiques étaient en conflit pour une portion de la Méditerranée. En se tournant vers la mer, elles découvrirent les palmiers qui se reflétaient dans ses eaux. Grâce aux nombreux avantages qu’ils leur apportèrent et à leurs similitudes avec l’espèce humaine, ils devinrent rapidement l’objet d’un culte les associant à la divinité.
L’extrême orient de la Méditerranée a abrité la culture égyptienne qui a adopté la forme de ces arbres pour ses bâtiments à caractère religieux les plus somptueux, créant les colonnes palmiformes avec des chapiteaux décorés de palmes et d’autres palmettes.
Les Ibères, vivant à des milliers de kilomètres dans l’extrême occident de l’arc méditerranéen, bien que possédant une culture moins avancée que celle des Égyptiens, connaissaient les palmiers et surent les intégrer dans les éléments les plus importants, religion, céramique rituelle, sculpture et monnaies. Palm column from Sahure´s Valley Temple
La première manifestation connue de l’association ibérique entre le palmier et un culte mortuaire vient de la présence de graines fossilisées de palmier dattier actuellement conservées au musée Jerónimo Molina de Jumilla. Ces graines furent découvertes dans une tombe collective située au fond de la grotte des Tiestos, dans la Sierra de las Cabras, faisant partie de la commune de Jumilla à Murcia. Elles furent enterrées comme nourriture pour l’autre vie. La datation au carbone 14 indique une ancienneté qui remonte à l’année 1800 avant J.C., c’est-à-dire près de 4000 ans et un millénaire avant l’arrivée des Phéniciens sur le littoral de la péninsule Ibérique.
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La céramique ibérique rituelle est très riche en œuvres, dont les palmes occupent une grande importance dans la décoration. Dans ce contexte, il faut souligner les vestiges exposés au musée Monográfico de la Alcudia, à Elche, connus comme Vaso de la Diosa con Palma, La Procesión et El Árbol de la Vida.
Sur le premier vestige apparaît une représentation anthropomorphique de la déesse Ibérique, portant une palme dans chaque main, une preuve qui permet de considérer ladite plante, chez un peuple avec une religion de type naturaliste, comme un attribut de la divinité. Sur le deuxième, une personne porte un rameau de palme tressée et le dernier vestige représente avec une grande force plastique un palmier, avec les détails de ses frondes et de ses cicatrices foliaires au centre. Toutes ces pièces correspondent aux IIIe et IVe siècles avant J.C.
Les céramiques historiques constituent de manière frappante un témoignage documentaire d’une grande valeur sur l’intégration des palmiers, princes du règne végétal, dans le sentiment religieux de ces princes d’Europe, appelés Ibères.
La présence des palmiers dans l’art ibérique ne se limite pas au culte mortuaire et à la céramique religieuse, mais ils se sont imposés aussi avec force dans la sculpture, dont les représentants les plus remarquables sont la statue d´Esfinge, endécouverte sur le gisement d’El Salobral (Albacete) et exposée dans la section des antiquités orientales du musée du Louvre, un sphinx qui porte une palme finement sculptée à côté de l’une de ses pattes avant, ou a sculpture de La Cierva, exposée au musée archéologique provincial de Séville, qui montre une biche allaitant son faon à côté d’un vigoureux palmier dattier, chargé de deux splendides régimes de dattes.
Dans le spirituel, il existe une association complète entre la divinité et les palmiers, faisant de ces derniers des attributs divins. Dans le matériel, il existe une association avec la valeur pérenne de toutes les cultures, l’économie, représentée par les monnaies ibères. Dans ce contexte, il convient d’honorer notamment une monnaie ibère préromaine, de 180-150 avant J.C., conservée au musée archéologique national de Madrid, dont le revers présente un cavalier ibère portant une palme en signe de paix.
En provenance de Grèce, il existe de nombreux témoignages anciens, comme le mythe de la naissance d’Apollon sur l’île de Délos, entre un palmier et un olivier. C’est d’ailleurs pourquoi le palmier est connu comme l’arbre de la naissance. Plusieurs millénaires plus tard, les palmiers et les oliviers continuent d’être associés à d’autres mythes, ou peut-être à des actualisations du mythe original.
Dans l’Antiquité, dans la ville de Corinthe, le néophyte de la cérémonie d’initiation aux mystères sacrés portait sur sa tête une couronne élaborée avec des feuilles de palmier, comme l’a raconté Apuleyo.
Au bord de la Méditerranée, la ville d’Elche bénéficie d’un magnifique trésor végétal, le Palmeral de Elche, constitué d’une palmeraie regroupant de nombreuses plantations de palmiers dattiers, qui ont été conservées depuis l’aube des temps, associées aux premiers habitants et à leur culture. Cette palmeraie présente ses propres caractéristiques, d’origine et de palmier blanc, qui la différencient du reste des palmeraies situées sur l’autre rive de la Méditerranée ou au Moyen-Orient.
Bien qu’en abritant une vaste exposition de l’espèce, Elche n’est pas le seul lieu de référence méditerranéen du palmier blanc. À la ville déjà citée de Corinthe, il faut ajouter notamment la ville de Bordiguera en Italie, dans la région de Ligurie, où s’est établi le peuple ligure contemporain des Ibères, sur les rivages de cette magnifique partie de la Méditerranée appelée Mer Ligure.
Actuellement, bien qu’il existe peu de palmiers dattiers, diverses localités corses comme Bastia abritent un artisanat du palmier blanc.
Il existe une palmeraie en Crête, et à mesure que nous cherchons, nous découvrons des palmiers tout autour de la Méditerranée, la mer que toutes les cultures ont tenté d’approcher et où certaines d’entre elles ont découvert les reflets des palmiers dans ses eaux.
Pour toutes ces raisons, nous imaginons une antique culture méditerranéenne du palmier, qui autrefois s’étendait d’une rive à l’autre de la vieille Mare Nostrum. Son rapport avec les cultes a restreint sa connaissance aux seuls initiés, disparaissant de fait avec eux. C’est pourquoi nous devons considérer le Palmeral de Elche et le reste des plantations de palmiers actuelles, comme celles de Bordiguera, de la Corse, etc., comme des reliques vivantes d’une grande valeur de cette lointaine culture méditerranéenne du palmier, dont l’exemplaire le plus remarquable est le palmier blanc, apparaissant dans les vieux mythes méditerranéens, et merveilleusement adapté aux cultures postérieures dans de fantastiques métamorphoses qui culminèrent avec les actuels Palmas del Domingo de Ramos, portique des Palmas de Pasión lors de la Semaine Sainte méditerranéenne.